Au-delà du combat guerrier à l’origine de l’épopée, le registre épique traverse tous les modes d’expression. On l’utilise chaque fois qu’une situation exceptionnelle entraîne l’homme au-delà de lui-même, et le rend porteur des aspirations et des valeurs du groupe humain auquel il appartient.
L’épopée est le genre littéraire le plus ancien. Il consiste en un long poème qui raconte les exploits des héros fondateurs de villes ou de nations. Le registre épique met souvent en scène un combat, à travers un récit et des procédés qui valorisent le caractère exceptionnel du héros.
1 – Le chant épique
Le registre épique affirme, à travers le texte, la présence d’un narrateur, témoin ou acteur de l’événement, qui restitue par sa parole l’action héroïque et qui, de ce fait, entretient le souvenir de l’exploit.
1.1 – La présence du narrateur
Le narrateur redonne vie aux exploits des héros, il exalte la mémoire des hauts faits d’armes. Il affirme pleinement sa présence au début de son récit :
1.2 – La dimension orale
Le registre épique restitue l’éloquence orale de celui qui fait entendre un récit formidable, qui développe des tableaux guerriers. Il s’agit d’une commémoration solennelle dont les marques sont présentes tout au long du texte : indices de l’énonciation, jugements de valeur, effets de reprise et d’amplification.
2 – Le combat épique
Le registre épique met en scène un combat, qu’il s’agisse de l’affrontement des hommes entre eux, ou de la lutte des hommes avec les éléments.
2.1 – Le combat des hommes
L’épopée traditionnelle. Elle raconte le conflit entre des guerriers qui s’affrontent dans des combats acharnés. À travers le choc des armes, ce sont des valeurs qui s’opposent: le Bien contre le Mal, la Lumière contre la Force obscure, la Liberté contre les entraves de la Tyrannie.
L’épopée moderne. Elle adapte l’ampleur et l’énergie de l’affrontement aux situations du monde moderne. Le registre épique met en valeur l’intensité du conflit, qu’il se situe sur le plan judiciaire, économique ou sportif.
2.2 – Le déchaînement du monde
La lutte contre les éléments. Le registre épique souligne la violence du combat qui oppose les hommes aux éléments naturels : le feu, la terre, l’air et l’eau. Un volcan, une tempête, une inondation sont l’occasion de mettre en scène la lutte de j’humanité contre la menace du chaos.
L’esprit de conquête. Le registre épique exalte toutes les entreprises menées par l’homme au nom du progrès. De la conquête guerrière, on passe alors aux défis qui animent la recherche scientifique, les innovations technologiques ou la conquête de l’espace.
3 – Le héros épique
Le registre épique souligne la dimension exceptionnelle du héros, placé au centre du récit, et les épreuves qualifiantes qui le mènent à la gloire.
3.1 – Un être exceptionnel
Le héros épique possède toutes les qualités qui font de lui un « guerrier ». Il n’accomplit pas seulement un destin individuel mais aussi un destin collectif. Le registre épique met en évidence sa force et sa résistance physiques, ses qualités morales (loyauté, générosité, bravoure), de même que sa compétence technique dans l’affrontement.
3.2 – Les épreuves qualifiantes
Le héros épique s’affirme à travers les étapes d’un itinéraire qui assure son rayonnement. D’une origine souvent modeste, le héros manifeste sa dimension exceptionnelle à l’occasion d’un événement qui révèle publiquement son statut. Il multiplie alors les combats jusqu’à atteindre la gloire. Il peut arriver que sa mort, considérée comme un dernier sacrifice, réalise définitivement son destin.
3.3 – Un être collectif
La foule est une forme particulière de héros épique. Ce n’est plus alors l’individu qui compte mais la collectivité, unie dans le combat et les valeurs.
4 – Le récit épique
Le registre épique présente une suite d’actions exceptionnelles qui font basculer de l’Histoire à la légende, du réel au merveilleux.
4.1 – Un récit légendaire
Le récit épique prend sa source dans les temps reculés, à l’origine du monde ou des civilisations. Il s’imprègne ainsi d’une atmosphère mythique et utilise des éléments du merveilleux tels que les signes, les rêves ou les présages
4.2 – Le mouvement du récit
Le récit épique déroule une série d’actions, de péripéties, d’épisodes qui s’enchaînent. Au-delà des pauses et des relances qui rythment l’action, le récit donne le sentiment d’un mouvement ample et continu, d’un flux ininterrompu.
5 – Les procédés du registre épique
Le registre épique privilégie les procédés lexicaux, syntaxiques ou stylistiques qui produisent un effet d’ampleur, de puissance et de profusion :
Le lexique | – des termes empruntés à l’Antiquité ou aux grandes épopées- des adverbes de temps qui soulignent et valorisent l’enchaînement des actions- un effet d’emphase et d’amplification qui correspond à la solennité
du chant épique |
La syntaxe | – des phrases longues et complexes qui amplifient l’action représentée- des effets de symétrie et de parallélisme qui manifestent l’opposition et l’affrontement- la modalité exclamative qui souligne les sentiments du narrateur |
Les figures de style | – des comparaisons et des métaphores, qui ajoutent à l’impression de puissance ou de violence- des hyperboles, des chiffres qui contribuent à l’amplification- des accumulations et des énumérations, qui marquent la profusion |
Histoire littéraire
L’épopée et le registre épique
Toutes les civilisations, à leur naissance, ont produit des épopées : l’Iliade et l’Odyssée d’Homère, l’Énéide de Virgile, La Chanson de Roland. Ces longs poèmes en vers racontent l’affrontement du Bien et du Mal, l’arrachement du monde au Chaos, la bravoure d’un héros qui rivalise avec les dieux : Ronsard avec La Franciade, Voltaire avec La Henriade, Hugo avec La Légende des siècles, poursuivent la tradition de l’épopée.
Mais, au XIXème siècle, le registre épique apparaît aussi dans le roman. Balzac, Hugo, Zola présentent, à la façon des mythes antiques, les grandes forces qui fondent la civilisation industrielle : la Mine est un monstre dévorant, le Capital est un dieu mauvais auquel s’oppose le peuple, héros collectif.
Au XXème siècle, le registre épique résonne encore dans les romans de Céline ou Malraux. Le cinéma, à son tour, suscite des épopées nouvelles, du western aux guerres menées dans les étoiles. Aujourd’hui, le registre épique garde sa vigueur dans toutes les situations où nomme est amené à se dépasser : le stade ou le ring sont désormais les lieux du combat héroïque.
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